Last updated on novembre 6, 2023
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Soyons clairs : pour moi, le consentement est une question extrêmement importante, essentielle, et indispensable.Mais le consentement n'est qu'une partie du respect, une partie de surface. Il est nécessaire, mais loin d'être suffisant.
Le mot "consentement", dans son origine étymologique, est un terme juridique, qui parle simplement du fait qu'une personne accepte un contrat ou une situation. Originellement, le mot “consentement” ne mentionne pas la façon dont cela se passe, ni le désir initial, encore moins l'enthousiasme et le plaisir - il mentionne seulement le fait de ne pas avoir été forcé.e.
Il y a actuellement un glissement de sens, et c'est tant mieux. Mais cela reste à mes yeux une notion formelle, que je trouve à la fois triste et insuffisante.
- Triste, parce que le mot vient du domaine juridique, et pour moi il évoque immédiatement la notion de viol (les deux sont antonymes); et surtout parce que j’y entends l'hypothèse que les humains, même en sexualité, sont par défaut dans une logique de compétition, de contrat, avec des intentions qui au départ sont égoïstes. Ce n'est pas ainsi que je veux pratiquer la sexualité.
- Et insuffisante, parce que le consentement n'est pas la garantie que l'on va écouter l'autre et vouloir lui faire du bien, et lui apporter du plaisir... voire, on peut avoir un consentement formel et faire beaucoup de mal à l'autre, et même parfois volontairement.
"Acceptes-tu le contact de ma main sur ta joue?" Ça dépend : sera-ce une gifle humiliante, ou une caresse aimante? Les deux sont "techniquement" le même geste. De même, selon son intention, sa force et sa vitesse, un contact sexuel peut faire le plus grand plaisir ou la plus grande douleur, être un acte d'amour ou de haine. Parler de "sexe" ou de "pénétration", c'est comme parler d'une "main sur la joue" : on ne sait pas de quoi on parle, ni en intention, ni en résultat.
En matière de sexe, je considère qu'il est important de parler de respect et de réciprocité.
La notion de respect inclut obligatoirement le consentement : si je respecte une personne je ne vais pas faire quelque chose qu'elle ne veut pas, lui imposer un acte qui n'est pas agréable pour elle = ce qui exige quand même de se renseigner sur ce qu'elle désire réellement (ce qui fait partie d'un consentement authentique).
Mais le respect n'est pas une question de formalisme légal, et il va beaucoup plus loin : il implique la volonté de s'assurer du bien-être de l'autre.
Le paradoxe de la légalité : la loi ne s’applique que s’il y a problème.
Si une femme s'endort sur le canapé chez un garçon qu'elle connaît vaguement, et que celui-ci en profite pour la pénétrer sexuellement, c'est un viol. Et cela semble évident.
Le formalisme légal dit que du sexe avec une personne endormie, c'est du viol. La loi protège.
Si deux amoureux en pleine lune de miel font l'amour plusieurs fois par jour, et une nuit, endormis, enlacés, refont l'amour; ce sera magnifique pour tous les deux, et les deux se réveilleront émerveillés de leur complicité. Dire qu'il s'agit d'un viol dans ce cas n'aurait aucun sens.
Ce cas particulier ne veut pas dire que la définition légale est dénuée de fondement. Ni que nos amoureux devraient se trouver devant un tribunal.
La loi n'est PAS là pour définir TOUS les comportements, la loi est là pour résoudre les cas où il y a problème. Elle n'est pas une condamnation absolue de la situation en tant que telle, mais montre où est la faute dans le cas où la situation a été problématique, dans le cas où il y a litige - et en particulier mauvaise intention ou résultat traumatique.
Et c'est là tout le contre-sens dans l'interprétation des règles que l'on fait très souvent : le plus souvent, la règle est là uniquement pour les cas où une personne est lésée.
Insuffisance de la notion
Réciproquement, il y a des cas où une personne va donner son consentement, formellement, mais où l'acte sexuel est en fait un crime. Il y en a au moins deux qui me semblent évidents :
- Le cas où il y a consentement initial, mais où la façon de faire ne convient pas à l'une des deux personnes. C'est malheureusement souvent le cas lors de premières rencontres, où une femme souhaite un échange sexuel, mais au final celui-ci est bien plus brutal que ce à quoi elle s'attendait, et au lieu du plaisir d'un acte réciproque, elle y ressent une grande douleur (ce que je dis souvent : il ne suffit pas de dire "pénétration").
- Le cas où l'une des personnes agit sous la contrainte exercée par un tiers. Ainsi les personnes victimes de traite des êtres humains "consentent" formellement à des actes sexuels, mais elles le font parce qu'elles y sont contraintes par des proxénètes. Il en va de même pour certains cas de chantage émotionnel, ou de contrainte par personne ayant de l’autorité.
Dans ces deux cas, le manque de réciprocité de l'acte est clairement perceptible. Et le risque de traumatisme est évident. Mais si votre notion du sexe "correct" est basée sur le respect et la réciprocité, ces deux cas ne se produiront jamais : avec le respect et la réciprocité, vous ferez en sorte que l'acte sexuel soit agréable pour les deux, et le risque de traumatisme sera pratiquement nul.
Respect et légalité.
Attention : La notion de respect n'a aucun sens légal. On ne peut pas mettre cette notion dans la loi - car le respect ne peut être démontré, prouvé.
C'est pourquoi la loi se concentre sur le consentement, une notion qui est plus ou moins quantifiable, observable. Ce qui fait que nos amoureux en lune de miel pourraient, potentiellement, être accusés de viol (mais seraient probablement acquittés puisque personne n'est lésé). Et, malheureusement, cela fait aussi que certains comportements très problématiques auront du mal à être qualifiés par la loi - car celle-ci ne peut pas tout prévoir, et encore moins tout mesurer.
Mais nos vies ne sont pas des tribunaux. Calquer tous nos comportements sur des définitions légales serait, je crois, une erreur.
Dans nos vies quotidiennes, se concentrer sur les notions de respect et de réciprocité permet d'évaluer une situation avec beaucoup plus de précision et de justesse - et d'éviter de paniquer. La surprise est une des conditions qui conduit au non-consentement. Mais je si je veux offrir un cadeau à ma bien-aimée, je ne vais pas lui demander son consentement. Mieux, si je le fais sur le mode "surprise", cela aura encore plus d'effet réjouissant. Il n'y a pas consentement préalable, mais si je l'ai écoutée, et lui fais une surprise qui vient d'une posture de respect et de bienveillance, elle sera ravie. (Mais si je lui fais une surprise qui n'est faite que pour mon plaisir mais ne tient pas compte de ses préférences, ce sera une source de conflit).
Le principe clef est le respect, la bienveillance, l'écoute.
Inversement, je peux "consentir" à un déjeuner chez ses parents, et me sentir humilié une fois dans la situation - ou me trouver dans un déséquilibre de réciprocité.
Je ne pense pas qu'il soit souhaitable de judiciariser nos vies privées, nos rapports avec nos ami.e.s et amant.e.s. Malheureusement, souvent, c'est devenu une nécessité parce que beaucoup de gens n'ont pas ces notions de respect, de bienveillance et de réciprocité, et sont dans une logique d'opposition, de compétition jusque dans leurs relations intimes - et aussi parce que certains ont tout intérêt à cette dérive (e.g. avocats...). Mais je pense que si on essaye de mener nos vies de façon respectueuse, les notions judiciaires ne devraient pas être une nécessité, en tous cas la plupart du temps.
Le respect comme fondement des actes amoureux.
Si je respecte une personne, je vais, à tout instant, tenir compte de son ressenti.
Peut-être vais-je à un moment ou un autre faire quelque geste qui ne lui plaira pas, ou me tromper dans mes perceptions, mais, parce que je la respecte, je vais me rendre compte très vite qu'il y a un truc qui ne va pas pour elle, et lui poser la question, et m'ajuster. Comme je l'écoute, le mauvais moment ne durera pas. Et elle, de son côté, va s'apercevoir que c'était une simple erreur, et n'en ressentira pas de trauma. Elle se sentira respectée. C'est ainsi que se déroule une relation sexuelle saine.
Mieux, si je suis dans une relation sincère et respectueuse, je vais essayer de surprendre ma partenaire, avec l'intention de lui faire plaisir. Cette surprise n'est pas de la même nature que l’embuscade sournoise que la loi définit comme un viol, c'est même l'exact opposé. Si je vois que ce que je m'apprête à faire ne lui plaît pas, je vais interrompre mon geste, parce que je LA regarde comme une personne en toute dignité, et SON ressenti est important pour moi.
Et je ne vais pas briser son consentement, car, comme je l'écoute, je me rends compte si elle a envie ou non de faire ceci ou cela.
Ce n'est pas parfait. Rien n'est parfait. On peut toujours se tromper, faire des erreurs, tomber à côté. Mais je crois que c'est le meilleur indicateur en matière de consentement - mieux que des listes interminables de règles formelles ou de critères définissant quel comportement est acceptable ou non.
Attention, à nouveau, ces critères sont importants dans un cadre formel, celui d'un tribunal ou d'un événement où l'on s'attend à des actes sexuels entre personnes ne se connaissant pas. C'est à mesure que deux personnes apprennent à se connaître qu'elles deviennent de moins en moins nécessaires.
Quoi qu'il en soit, et quel que soit le contexte, les règles pour créer une vie orgasmique partagée vont au-delà du consentement et touchent à l'intention : bienveillance, écoute, respect, recherche de réciprocité.