Last updated on avril 6, 2023
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Je suis féministe depuis l'âge de 15 ans. Ce n'est que récemment que j'ai compris qu'il y a une oppression invisible pour les hommes dans ce système… et un système dans lequel l'oppression de chacun aggrave les choses pour l'autre ! Loin de faire une liste exhaustive, je m'apprête à mentionner ce qui impacte mon domaine d'expertise : les relations amoureuses. C'est généralement une pression sociétale inconsciente et intériorisée. Et l'oppression dont je parle ici n'est pas évidente, ni pour ceux qui la vivent, ni pour les autres.
Il semble que la plupart des hommes n'aient qu'une vague idée de ce que subissent les femmes, et la plupart des femmes n'ont aucune idée que ce système est également oppressif pour les hommes. Et beaucoup de personnes cis ne réalisent même pas à quel point ces schémas les enferment.
Et je pense qu'apprendre à faire l'amour peut contribuer à sortir de cette spirale – mais bien sûr, pour en sortir, il faut d'abord la comprendre.
1. Émotions et genre : c'est dur pour tout le monde.
La partie émotionnelle est nocive pour les deux sexes. Il est «interdit» aux femmes de montrer de la colère ou d'exiger, et les hommes, eux, ont «interdiction» d'exprimer leur vulnérabilité ou leurs émotions en dehors de la colère. Outre le fait que c'est ridicule (nous sommes des êtres humains, nous vivons toutes les émotions), cela laisse de nombreuses femmes avec de la colère et des frustrations qu'elles ne peuvent exprimer, et de nombreux hommes avec des sentiments de tristesse ou de peur qu'ils doivent cacher... y compris à eux-mêmes. Ces émotions sont ressenties, mais elles ne peuvent pas s'exprimer clairement, et donc elles sont stockées dans l'inconscient et continuent d'affecter votre vie. Ces émotions refoulées s'enveniment dans l'inconscient et créent une douleur inexpliquée qui peut se transformer en agressivité ou en dépression.
De plus, les rôles de genre sont de tels « silos » où les gens apprennent différentes choses, que cela crée de véritables murs d'incompréhension.
2. Comment le système de genre opprime les femmes (et votre vie amoureuse), du point de vue Orgasm Lover.
Ce n'est pas intuitif pour les hommes : beaucoup de situations que les femmes trouvent oppressantes, sont en fait des fantasmes pour les hommes – par exemple, trop de sollicitations sexuelles. Certaines connaissances vous aideront à essayer de vous mettre un peu à leur place mentalement, et de comprendre en quoi cela peut être malvenu.
- Les femmes n'ont pas la même expérience sexuelle que les hommes. Pour elles, le plaisir sexuel n'est pas garanti, et la douleur est une possibilité bien réelle, même avec un homme qui leur plait : 30 % des femmes déclarent régulièrement éprouver de la douleur physique lors d'un rapport vaginal consenti (et 72 % lors d'un rapport anal). Et quand je dis douleur, c'est vraiment ça : les organes sexuels sont très sensibles, donc une douleur sexuelle, c'est atroce !
- Par conséquent, quand on est une femme, décider d'avoir des relations sexuelles avec un nouveau partenaire est un risque : les relations sexuelles peuvent être douloureuses même si elles sont consenties, sans parler du risque qu'un homme se comporte violemment (la frapper, lui imposer des choses qu'elle a explicitement refusées…). De plus, il y a la puissance physique générale, généralement les hommes sont plus forts. Et la chance d'avoir du plaisir est misérable (46%), sans parler de l'orgasme complet !
- Il y a aussi l'objectification en général. C'est difficile à comprendre quand on ne l'a pas vécu. Lorsqu'un homme fait une blague à caractère sexuel avec ses amis ou collègues, ou lorsqu'il entame une conversation avec une femme dans la rue ou dans un bar, ou fait simplement un compliment, il ne s'agit pas d'une agression – de sa part. Il s'agit généralement d'une intention humoristique innocente. Le problème est l'accumulation : il y a tant d'hommes qui le font, que quand vous êtes une femme, ces commentaires sur vous en tant qu'objet de désir se produisent plusieurs fois par jour, tous les jours. Vous êtes toujours un centre d'attention, en tant qu'objet sexuel. Et, pour une femme, être un objet sexuel est un risque ! Par conséquent, en tant que femme, vous vivez constamment dans une atmosphère plus ou moins menaçante. Cette accumulation en fait un véritable fardeau.
- Le viol est un traumatisme énorme, physiquement (imaginez frotter votre pénis avec une éponge à gratter), et mentalement (les organes sexuels sont intimes, d'autant plus lorsqu'ils sont internes). Cela restera gravé pour la victime pendant de nombreuses années, et surtout cela bouleversera sa vie sexuelle. Et le viol est un risque constant. Toute interaction connotée sexuellement avec un homme (séduction, commentaires, blagues…), peut rappeler aux femmes ce risque – y compris d'inoffensives tentatives de séduction. Lorsqu'un groupe de 2 hommes commente la beauté d'une femme seule dans la rue, elle sait qu'il est possible qu'ils essaient de la violer. Le harcèlement de rue n'est pas du tout anodin pour une femme : cela lui rappelle qu'elle n'est jamais en sécurité, que les hommes sont dangereux, qu'elle peut être victime de torture sexuelle sans raison. Et, oui, les harceleurs de rue rendent vraiment les rencontres difficiles pour tous les hommes !
- Les femmes sont également élevées de telle manière qu'on leur apprend à supporter leur propre douleur - en général. "Il faut souffrir pour être belle", dit-on, et les clichés le montrent (talons hauts, épilation…). Pour être acceptée, il faut endurer des contraintes, voire certaines douleurs. Par conséquent, elles sont éduquées à ne pas se plaindre, à ne pas toujours dire ce qu'elles aiment pas. Exprimer leurs souhaits réels est un effort culturel – en particulier quand elles aiment. Jusqu'à ce que leur frustration atteigne un point de non-retour - exprimer l'insatisfaction, c'est rompre.
- De plus, le mythe du « prince charmant », enseigné aux enfants, leur fait vouloir de nombreuses qualités différentes d'une même personne – des qualités qui peuvent être incompatibles (par exemple être prompt à décider, et tenir compte de l'opinion des autres ; ou être ambitieux et faire de sa vie amoureuse une priorité…)
3. L’oppression subie par les hommes – un fardeau dont vous n’êtes peut-être pas conscient… (et très probablement pas consciente!)
Quand on vit en tant que femme, il est difficile de ne pas avoir l'impression que les hommes ont une place bien plus enviable. La société semble construite pour eux, la sexualité est toujours montrée d'une manière qui leur semble bénéfique (plaisir garanti), et au fond ce sont eux qui ont le pouvoir. J'avais tendance à penser qu'ils avaient la meilleure donne, avec ces "privilèges masculins". Mais en rencontrant et en étudiant les hommes et les masculinités, j'ai découvert qu'eux aussi ont un pénible fardeau dans cette société genrée. Ce qui n'est pas du tout évident. Encore une fois, il faut beaucoup d'empathie pour imaginer et comprendre ce que toutes ces exigences font peser sur eux.
- On enseigne à un homme qu'il doit prendre ce qu'il veut, ou exiger de l'obtenir. Ça a l'air d'être un bon plan, non ? En fait, non : cela veut dire qu'il n'est pas censé demander. Ce qui lui pourrit la vie, car pour avoir de l'intimité, il faut du respect, de la confiance et de l'honnêteté - sinon, ce n'est pas de l'intimité. Il est donc beaucoup plus difficile de créer un lien de confiance, en particulier avec les femmes. La situation s'est encore aggravée aujourd'hui depuis que les femmes exigent le respect (ce en quoi elles ont raison). Du coup, cette tendance à prendre et exiger est de plus en plus accueillie avec hostilité. Donc ce qu'on vous a appris à faire pour être respecté déclenche des réactions hostiles!
- Dans la vie sociale, les hommes ont peu d'accès à l'intimité, à l'écoute. Il y a souvent un aspect de compétition, dont on n'est pas forcément conscient. Ainsi, un homme ne peut pas montrer de tendresse sans risque que ce soit perçu comme une intention sexuelle ! Ainsi, le sexe devient le seul chemin vers l'intimité - ou même simplement vers un contact physique bienveillant et agréable. Cela fonctionne en cercle vicieux, en prophétie auto-réalisatrice. pour en savoir plus sur ce sujet qui fait que les hommes semblent tous obsédés par le sexe, allez voir cet article.
- Cet enjeu autour de la sexualité, couplé aux stéréotypes autour du désir sexuel masculin peuvent se mettre en travers de ce même plaisir, ou lui donner un goût amer. Plus d'éléments sur le rapport entre désir, plaisir et frustration ici.
- Il existe une double contrainte très violente, où le stéréotype qui fait paraître un homme désirable est toujours du type "conquérant" (un homme qui prend ce qu'il veut sans demander). Cela crée une "double contrainte" : une exigence impossible, où l'on est censé être dominant pour être admiré et aimé, et doux et respectueux pour être aimé et vivre une relation amoureuse !
- Cela apparaît le plus clairement dans la façon dont la plupart des femmes veulent qu'un homme montre le "courage" de les aborder et d'engager la conversation... mais aborder quelqu'un qu'on ne connaît pas, c'est généralement perturber leur journée, donc dans la plupart des cas, il y a une contradiction entre ce "courage" et le respect de la vie privée des gens. Déranger, interrompre quelqu'un, ce n'est pas du courage, c'est du manque de respect ! Certes, on peut être à la fois confiant et respectueux, mais même avec beaucoup d'assurance, on n'initiera le contact au risque de déranger l'activité de quelqu'un que si c'est vraiment important – sans parler de la timidité ! Un connard fini, par conte, n'aura aucun scrupule à vous approcher si vous avez l'air occupée, ou si cela vous donne une impression de danger, ou s'il n'a pas l'intention d'aller jusqu'au bout… Donc les connards irrespectueux abordent des femmes beaucoup plus souvent qu'un homme confiant et respectueux. Donc statistiquement, 99% des hommes qui montreront ce "courage" dans la journée d'une femme sont en effet les 10% de vrais connards - des gens qui n'ont aucun respect pour l'autre. Cette « règle » empêche de nombreuses femmes de rencontrer les hommes qui ont les qualités qu'elles souhaitent ; et, de toute façon, cette règle laisse moins de place aux gens respectueux, et donne à beaucoup d'hommes l'impression que les femmes préfèrent les connards… et donc, cela empêche les gens de se comprendre.
- Il y a la pression constante d'être « viril », c'est-à-dire de ne pas montrer de faiblesse. Cette pression crée une réelle difficulté à montrer son vrai moi. Tous les humains ont des faiblesses, des peurs et des blessures. C'est en reconnaissant cette nature commune que l'on peut créer de l'intimité. Par conséquent, cette pression crée une solitude très intime, où l'on ne peut pas partager ses vulnérabilités les plus profondes. Et comme la solitude est une douleur émotionnelle, il faut encore cacher cette douleur, et comme on ne montre pas sa vulnérabilité, elle empêche une véritable intimité, et cela crée donc de la solitude… c'est un système de déréliction. Brené Brown montre très bien cette pression.
- Cette pression de ne pas montrer de faiblesse s'immisce jusqu'aux relations intimes : les femmes souhaitent que les hommes puissent être compréhensibles et compréhensifs, qu'ils montrent leurs émotions, leur vulnérabilité, afin de pouvoir travailler ensemble ces questions. Mais chaque fois qu'un homme montre de la vulnérabilité, la femme craint qu'il ne soit pas fort, solide et fiable. Cette double contrainte est très bien décrite par Esther Perel dans ses sessions de thérapie de couple. Cela signifie qu'il n'y a pas de place pour un homme pour prendre soin de ses émotions et de ses douleurs. Quelle tristesse, quelle solitude!
- Dans les cours de récréation et les lieux de pouvoir masculins, l'empathie est souvent considérée comme un signe de faiblesse. Ce qui, en plus d'être triste, oblige les jeunes garçons à désapprendre l'empathie (qui est présente chez tous les jeunes enfants), et les hommes adultes doivent la réapprendre… ce qui est ridicule, coûteux en énergie, et crée une autre double contrainte : quand est-ce qu'on doit faire preuve d'empathie, et quand est-ce malvenu ?
- Le principe « viril » de paraître « fort », confiant, empêche aussi les hommes de demander conseil ou d'appeler à l'aide – cela serait considéré comme une faiblesse. Il devient donc difficile d'améliorer ses compétences… ou même de s'améliorer soi-même ! Demander de l'aide pour développer une compétence est souvent considéré comme une faiblesse - d'où mon propre effort pour vous aider sur les compétences sexuelles, car on pet avoir peur des jugements si on demande à une femme.
Autrefois, j'en voulais aux hommes pour ce que ces inégalités font aux femmes, et en particulier les violences sexuelles. J'en suis venu à prendre conscience du coût de leurs "privilèges", et maintenant je vois que tout le monde souffre de ce système. Mais surtout, ces injonctions font qu'il est difficile pour les gens de se rencontrer et de ressentir de l'empathie, de la connexion et de l'amour.
En une phrase (de Carol Gilligan et Naomi Scinder) : Le patriarcat envoie les hommes dans la violence, les femmes dans le silence. Les deux sont redoutablement néfastes pour l'intimité, la sexualité et l'amour.
Je pense qu'apprendre à faire l'amour peut vraiment aider à changer cette dynamique.
Il est facile en apparence de confondre le violence avec la force, et c'est une forme de pouvoir. Mais il est plus difficile, et valorisant, d'améliorer les choses pour les autres - et en fait, un pouvoir bienveillant est un pouvoir plus rare et plus remarquable.
Ainsi, un homme ayant le pouvoir de rendre une femme heureuse sera admiré pour cela. L'empathie, essayer de comprendre l'expérience de l'autre est difficile, mais cela en vaut vraiment la peine.
En devenant un maître dans l'art de donner des orgasmes, on démontre un vrai pouvoir , et on ouvre la porte à une incroyable intimité. Partager l'amour, le plaisir, et être ouvert à ses partenaires, c'est, selon moi, la meilleure sortie de ce système épouvantable.
Et vous?
- Aviez-vous conscience de ces aspects de l'oppression de genre, en particulier pour ceux de "l'autre côté" ?
- Si oui, comment les avez-vous appris ?
- Que faites-vous pour tempérer ces effets sur votre propre vie ?
J'attends vos commentaires.