Last updated on décembre 6, 2023

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Nous vivons sous une « dictature de la pensée », façon 1984 - et la plupart d'entre nous n'en sont même pas conscients.

 

  1. Comment le langage structure nos schémas de pensée

Dans son roman "1984", Gorge Orwell décrit une dictature où les personnes au pouvoir appauvrissent la langue et le vocabulaire afin de contrôler l'esprit du peuple. Tous les schémas de pensée interdits sont nommés avec le même mot : « crime - pensée ». Le même mot est utilisé pour décrire "penser à la liberté" et "préméditer un meurtre". Cela devient la dictature parfaite, parce que les gens ne sont pas capables d'élaborer leurs pensées de rébellion : si vous n'avez pas de mots pour une idée, vous ne pourrez peut-être même pas y penser.

Si on n’a qu'un seul mot pour dire deux choses, notre cerveau subconscient ne pourra pas vraiment différencier les concepts - ni les penser séparément, et avoir un modèle de pensée libre.

Sur un autre sujet, les mots ont un fort pouvoir d'évocation : ils suscitent des images et des émotions. Si je dis "la plus belle femme que vous ayez jamais vue", vous aurez une image dans votre esprit, et si je dis "une odeur dégoûtante", vous en aurez une autre...

Les mots ont aussi un pouvoir politique. En France, au début du XIXème siècle, « légitimiste » était le mot choisi par les monarchistes pour se désigner eux-mêmes. Cela visait à donner un sentiment positif à leur idéologie... mais aussi, cela créait un raccourci mental. Pendant des dizaines d'années, chaque fois que quelqu'un utilisait le mot « légitimité », l'auditeur pensait au roi.

L’association fréquente d'une phrase et d’une idée peut nuire à notre capacité à penser. Pouvez-vous entendre l'expression « c’est un double effet » ou « c’est le jeu! » sans penser à une marque ? Même si ce n'est pas votre intention ?

Je crois fondamentalement que la liberté de pensée est une partie importante d'une vie érotique épanouie - et notre liberté de pensée a été détournée. Nous avons subi un « lavage de cerveau » par le pouvoir des mots et leur politique sous-jacente.

La plupart de nos mots « communs » pour tout ce qui est sexuel (organes ou actions) sont entachés de l'idéologie du puritanisme et du porno (P&P), qui assimile le sexe à la violence et au mépris. Cela a deux conséquences :

  • Une difficulté à parler de sexe dans un contexte aimant et bienveillant (en parler semblera sale, humiliant)
  • Une confusion dans nos esprits érotiques, une intrusion du politique dans notre capacité à nous rapporter à la sexualité et à l'érotisme.

 

  1. Parler de sexe avec sa partenaire.

Si je suis au lit avec la femme que j'aime et que je veux lui demander de faire quelque chose, j'ai peut-être du mal à l'expliquer, soit parce que notre vocabulaire est très pauvre et imprécis, soit parce que les mots que j'utilise lui semblent irrespectueux. Je sais que certaines personnes aiment qu’on leur "parle sale", mais pour beaucoup, ne pas se sentir respectée est un énorme frein à la libido. Pour moi c'est le cas. La plupart des femmes que j'ai rencontrées ressentent la même chose.

Le pouvoir évocateur des mots peut être le meilleur allié ou le pire ennemi de la libido... Et l'absence de vocabulaire positif (ou, parfois, de vocabulaire tout court) pour désigner des actes sexuels ou des parties du corps, peut être un écueil lorsqu'on essaie de communiquer avec son amante, sur la meilleure façon de communiquer ses sentiments. J'ai créé un article entier sur la création d'un "manuel d'instructions", c'est l'une des choses très importantes pour améliorer votre vie amoureuse !

J'ai eu une fois une petite amie qui ne voulait pas faire de sexe oral simplement parce qu'elle ne voulait pas "sucer" (to suck en anglais : être archi-nul). Ce n’était pas un blocage religieux ou traumatique : c'était juste les implications du mot "sucer" pour son image d'elle-même. La nuance était tellement ancrée dans son cerveau qu'elle ne pouvait même pas se résoudre à essayer. "Je ne veux pas être quelqu'un de nul".

 

  1. Choisir qui on invite dans sa tête !

C'est un de mes leitmotivs. Choisir quelle langue, quelles pensées et quels modèles on invite dans sa vie est une partie essentielle de la liberté. Et choisir qui NE PAS laisser entrer dans son esprit est aussi important... et probablement plus difficile !

Choisir les schémas de pensée que j'invite dans ma vie sexuelle en fait partie.

Une grande partie de notre vie sexuelle est dans nos esprits - pensées, imagination, fantasmes, désirs. C'est ce qu'Esther Perel appelle « l'érotique ». Afin de créer et d'améliorer mon propre paysage érotique, je dois décider quels mots j'invite dans mon lit - et dans ma tête.

Malheureusement le langage commun est influencé par le Porno & le Puritanisme (P&P) : ils utilisent les mêmes mots pour dire "faire du mal à quelqu'un" et "avoir des relations sexuelles", le même mot pour "salaud" et "me recevoir par la porte de derrière", le même mot pour "partie du corps agréable" et "personne déplaisante", et le même mot pour "femme qui aime le sexe" et "personne maléfique et/ou méprisable". Et plein d'autres.

Ce n'est pas un schéma de pensée que je veux dans MA tête (ou celle de mon amante).

C'est une question d'idéologie. L'idéologie du porno et du puritanisme est la même : pour P&P, le sexe est nocif : sale, violent, méprisable et misogyne. Dans cette idéologie, une femme qui désire le plaisir sexuel est méprisable et mérite d'être punie ; et le désir d'un homme pour le plaisir fait de lui une bête violente incontrôlable; et le sexe est principalement sale et brutal, généralement un homme blessant une femme. Cette idéologie est l'ennemie de l'amour et du plaisir partagé. Et cette idéologie se répand de manière insidieuse : ils ont colonisé notre cerveau par le vocabulaire, et de fait, la plupart des gens peuvent même ne pas se rendre compte qu'ils ont été influencés. Ainsi, certaines personnes peuvent prétendre être fières d'être méprisables, simplement parce qu'elles aiment le sexe et ont été incapables de se soustraire à cette idéologie. Certains essayent d'inverser les nuances de ces mots ("la salope éthique") - et je leur souhaite du succès, même si ce n'est pas ma propre voie.

Certaines personnes ne verront même pas que le sexe agréable et la violence misogyne ne sont PAS la même chose.

Je recommande la conférence TED d'Erika Lust à ce sujet : elle a vu le paradoxe que je mentionne et a créé du porno éthique pour y répondre. Le problème de la pornographie n'est pas la représentation du sexe, mais la façon dont cela est fait dans l'industrie actuelle - et la vision (politique) des relations hommes / femmes qu'elle englobe et propage.

Je ne veux pas de LEURS schémas de pensée dans MA tête. Par conséquent, il m’a fallu DÉCIDER que j'utiliserai d'autres mots, afin que ma communication soit claire. Supprimer certains mots de mon usage quotidien (et en ajouter de nouveaux), ou du moins, être conscient lorsque je les utilise ; même si cela peut sembler être une limitation, mais en fait c’est une OUVERTURE de nouvelles possibilités!

Certains aiment aimer jouer avec le modèle P&P dans certains jeux sexuels, ce qui est acceptable s'ils le choisissent. Je ne juge pas ceux qui sont excités par le « parler sale ». Comme tout fantasme, il n’y a rien de mal à aimer ça, et ça ne devrait pas être interdit. Mais ça ne devrait pas être obligatoire non plus !

La plupart d'entre nous ne choisissent pas les mots que nous entendons tous les jours et les images que nous voyons tous les jours qui leur sont associées (pensez simplement à une chanson qui a été utilisée dans la publicité, et maintenant vous ne pouvez plus l'écouter sans penser à la pub); donc être conscient de cette tentative de contrôler nos pensées, peut être une clé pour ouvrir de nombreuses possibilités érotiques. Certaines portes peuvent avoir été fermées à cause de ce contrôle de la pensée par le vocabulaire ; et il est temps de les ouvrir.

Je pense que ce choix a été une étape énorme dans ma revendication de mon autonomie sexuelle et dans l'ouverture d'un monde érotique qui me soit propre.

Attention : Non seulement on ne peut pas décider de chaque pensée, mais nos fantasmes « transgressifs » sont un moyen sain de traiter nos émotions et d’apprivoiser la violence dont nous avons souffert. Nous vivons dans une société avec ses tabous, ses impératifs, ses violences etc. Nos fantasmes sexuels (secrets) sont un lieu où nous traitons le conflit entre nos désirs et la réalité, nos frustrations et impossibilités, nos traumatismes et nos besoins. Beaucoup de nos fantasmes sont une reproduction des actes qui nous sont interdits par notre propre éthique, ou la transgression de nos propres limites. Il est sain de fantasmer sur des choses que nous n'aimons pas, des choses que nous ne ferions jamais dans la vraie vie. Essayer de contrôler et/ou supprimer nos fantasmes sexuels n'est pas seulement impossible, ce serait forcer notre inconscient à trouver d’autres échappatoires d'une autre manière (y compris passer à l'acte). N'ayez jamais honte de vos propres pensées et fantasmes : nos fantasmes intérieurs « honteux » sont l'équilibre qui nous permet de rester civilisés dans la vraie vie. Donc, toute cette section ne concerne PAS la répression de vos fantasmes existants. Il s’agit seulement :

  • D’être conscient du lien entre notre vocabulaire et nos pensées,
  • De proposer un nouveau langage, de nouveaux scénarios et de modèles érotiques, en plus de l'existant
  • De pouvoir utiliser le pouvoir évocateur du langage dans nos échanges érotiques réels.

Bien sûr, je ne veux pas remplacer un impératif par un autre. Vous pouvez choisir d’imiter mon exemple ou non. Vous pouvez choisir de continuer à utiliser des mots « sales », ou d'emprunter votre vocabulaire à une autre source, ou de créer le vôtre... ou de varier selon les circonstances et l'humeur. C’est pour vous laisser ce libre choix et ne pas vous imposer MON imaginaire que j'utilise principalement un vocabulaire neutre (médical) dans ce blog, et dans mes cours ou sessions.

Votre contribution :

  • Y a-t-il des mots spécifiques qui vous inspirent du désir ou du dégoût ? ou vous éteignent ?
  • Avez-vous l'habitude de changer votre vocabulaire pour changer votre façon de penser ?
  • Dans ce blog, préférez-vous que j'utilise un vocabulaire neutre, ou que j’emploie MON propre « langage » et l’imaginaire qui va avec ?
  • Avez-vous besoin d'exemples ou d’astuces pour créer votre propre « langage secret » ?

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